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Savoir renoncer à recevoir pour mieux transmettre ?

Avec l’allongement de la durée de vie, les personnes héritent de plus en plus tard, voire à un âge où elles-mêmes réfléchissent à leur propre transmission.

En 2006, le législateur a modernisé le droit des libéralités et des successions et a intégré ses évolutions en aménageant son arsenal juridique (donation-partage transgénérationnelle, possibilité de représenter un renonçant, faculté de cantonnement) : un point commun à l’ensemble de ces dispositifs, celui qui doit normalement recevoir renonce…pour mieux transmettre.

Également, l'assurance-vie permet de « passer son tour », pour autant que les clauses bénéficiaires soient bien rédigées.

Comment renoncer à recevoir et assurer un saut de génération de son vivant ?

La donation-partage transgénérationnelle (DPTG)

Il s’agit d’un pacte familial scellé entre trois générations qui interviennent à un même acte : grands parents (G1), parents (G2) et petits enfants (G3).
Ce dispositif permet aux grands-parents de gratifier leurs petits-enfants en lieu et place de leurs enfants.

C’est une donation, donc un dessaisissement des biens, de la part de la première génération au profit de la troisième. La génération intermédiaire doit accepter que la transmission se fasse au profit de leurs propres enfants. Les petits enfants vont ainsi recevoir et se partager des biens divis, cela sous-entend donc que le patrimoine puisse être fractionné.

Fiscalement, l’intérêt est double : on évite grâce à cette technique d’anticipation successorale une cascade de droits de mutation à titre gratuit (de G1 à G2, puis de G2 à G3), tout en profitant d’autant d’abattements et de tranches basses du barème des droits de donation que de donataires gratifiés.

La renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR)

Le droit français reconnait une limite au pouvoir de disposer : la réserve héréditaire, qui revient aux héritiers dits réservataires du disposant (enfant ou conjoint en l’absence d’enfant), et qui ouvre droit à une indemnité de réduction en cas d’atteinte à cette réserve.

Mécanisme de renonciation à l'avance, la RAAR permet à un héritier réservataire de renoncer par anticipation, du vivant du disposant, à exercer cette action en réduction lors de l’ouverture de la succession, au profit d’une ou plusieurs personnes déterminées.

Il ne s’agit ni d’une renonciation à la succession, ni d’une renonciation à sa qualité d’héritier, mais elle permet de sécuriser des stratégies de transmission en évitant des difficultés lors du règlement de la succession.

Quelles possibilités s’offrent au conjoint survivant et aux enfants au décès de leur auteur ?

La renonciation à la succession

En matière successorale, la renonciation est surtout connue comme la possibilité de ne pas accepter une succession lorsque les dettes s’avèrent plus importantes que l’actif.

Pourtant, aujourd’hui, elle peut être intégrée dans une stratégie patrimoniale d’organisation de la transmission du patrimoine. En effet, depuis la loi du 23 juin 2006, il est possible de représenter un renonçant en ligne directe ou collatérale. Cela signifie que, dans l’hypothèse d’une renonciation d’un enfant par exemple, ce sont ses descendants qui seront appelés à la succession en lieu et place de leur auteur.

Par ce biais, la succession sera dévolue aux petits enfants, réalisant ainsi un saut de génération.

La renonciation permet donc à un héritier de laisser sa place dans une succession pour en faire profiter la génération suivante, le tout dans un cadre fiscal favorable puisque les descendants du renonçant bénéficient du même abattement que leur auteur qu’ils se répartissent entre eux, et de la progressivité du barème des droits de mutation à titre gratuit.

A noter : la renonciation à la succession est totale, donc indivisible, et elle doit également être exprès, un écrit est nécessaire.

La faculté de cantonnement

Une renonciation partielle est en revanche possible pour le conjoint survivant (ou pour le légataire) qui peut limiter ses droits à une partie seulement de ce qu’il doit recevoir dans la succession.

En effet, lorsque les époux se sont interrogés, pendant le mariage, à la protection du conjoint survivant, une donation entre époux a souvent été mise en place. Aussi appelée donation au dernier vivant, elle permet au survivant des époux de recevoir plus que ses droits légaux dans la succession, mais elle donne également la faculté de prendre moins.

De cette façon, le conjoint pourra limiter ses droits sur une partie seulement des biens qu’il aurait dû recevoir et « renonce », de facto, au solde. Le conjoint qui cantonne de la sorte son émolument ne réalise pas de donation au profit de ses enfants, il décide seulement de ne pas tout prendre.

Ainsi, un conjoint survivant pourrait par exemple opter pour l’usufruit de toute la succession, mais l’abandonner sur un appartement à la montagne où il ne va plus. Les enfants recevraient alors cet appartement dans la succession, comme s’ils le tenaient directement du défunt.

Avec l’utilisation de la faculté de cantonnement, la succession est réfléchie et non subie.

Intégrer les possibilités offertes par l’assurance vie dans une stratégie de saut de génération ?

Il est également possible de renoncer au bénéfice d’une assurance vie afin d’assurer un saut de génération.

Dans la majorité des situations le conjoint va accepter le bénéfice du contrat. Néanmoins, dans l’hypothèse où il n’aurait pas besoin des capitaux décès ou qu’il souhaiterait anticiper la transmission de son patrimoine, il pourrait y renoncer.
Il convient donc de prévoir, lors de la rédaction de la clause bénéficiaire, à qui profitera la renonciation du bénéficiaire, puisqu’il ne pourra pas renoncer au profit de quelqu’un.

Il faut également prévoir la représentation dans la clause bénéficiaire, car elle non plus ne se présume pas.

Clause standard conseillée : mon conjoint, à défaut mes enfants vivants ou représentés, pour cause de décès ou de renonciation, par parts égales, à défaut mes héritiers.

Ainsi, si le conjoint renonce au capital, ce sont ses enfants qui en bénéficieront directement. Si l’un d’entre eux ne veut pas du capital et renonce, ce sont alors ses propres enfants qui en bénéficieront.

Là encore, la renonciation est totale : le bénéficiaire renonce ou accepte purement et simplement le bénéfice du contrat.

Pour parvenir à une renonciation partielle, il est toutefois possible :

  • De prévoir plusieurs contrats.
  • Ou encore de rédiger une clause à options, en insérant des % permettant au conjoint de « cantonner », c’est-à-dire de ne recevoir qu’une quote-part des capitaux décès, et de laisser passer le reste à ses enfants. Dans cette hypothèse, le recours à une clause notariée / testamentaire est à privilégier.

Ainsi, il est possible de réfléchir à la meilleure stratégie patrimoniale pour assurer un saut de génération, qui pourra prendre effet avant ou après le décès. La renonciation est une véritable technique de transmission patrimoniale qui offrent de multiples possibilités à intégrer dans la réflexion globale de détention de son patrimoine.

Cette page a été publiée le 25/09/2023